Fatigue des structures - Propagation des fissures de fatigue

 

La durée de vie en fatigue se décompose en deux composantes, la durée d’amorçage et la durée de propagation. Tout matériau étant susceptible de comporter des défauts (inclusions, microfissures, zones de déformation plastique, concentrations de contraintes, corrosion,…) on doit dans la pratique tenir compte de leur durée de propagation.

Cette dernière dépend, entre autre, de paramètres matériaux que l’on peut déterminer par des essais en laboratoire.

Essais de fissuration

Typiquement ces essais se font sur une tôle avec une fissure centrale (Center Crack Tension) chargée en traction oscillante. On mesure l’évolution de la longueur de la fente (2a) en fonction du nombre de cycles. Cette longueur se mesure soit optiquement soit en fonction de paramètres électriques.

Pour chaque niveau de chargement on peut ainsi en déduire une vitesse de propagation da/dN en fonction de la longueur de la fissure. Sous cette forme les résultats d’essais de fissurations ne sont pas facilement exploitables, puisque qu’ils sont fonction de la taille de la fente et des conditions d’essai (amplitude de contrainte, géométrie,…). On verra ci-dessous une expression plus générique de ce type de résultats, grâce à l’utilisation du facteur d’intensité de contrainte K.

Mode de fissuration

Généralement la fissure se propage de manière perpendiculaire à la force macroscopique appliquée sur le matériau, il s’agit du mode I. Le chemin de fissuration peut cependant évoluer suivant d’autres directions, en cisaillement dans le plan pour le mode II, et en cisaillement hors plan pour le mode III.

 

Facteur d’intensité de contrainte

La théorie de l’élasticité permet de développer une formulation analytique pour la contrainte dans la région de la pointe de fissure. Les composants du tenseur σ peuvent s’écrire sous la forme :

K est le facteur d’intensité de contrainte il est défini par le relation:

où S est la contrainte à l’infini et a est la longueur de la demi-fente. β est un facteur de correction géométrique.

Dans le mode I la fissure se propage lorsque l’énergie nécessaire pour rompre les liaisons atomiques est inférieure à l’énergie élastique relaxée par la propagation de la fissure. Cela correspond à un facteur d’intensité de contrainte critique KIC.

 

Lois de propagation experimentales

Paris et al. ont montré que la loi de propagation des fissures peut se réduire à une formulation générique si l’on introduit un nouveau paramètre : l’amplitude du facteur de concentration des contraintes ΔK = Kmax - Kmin. Ainsi on observe la similarité des courbes da/dN en fonction de N pour tout essai, pour autant que le ΔK soit identique.

On peut exprimer ΔK en fonction du rapport de charge :

En traçant da/dN en fonction de ΔK sur un diagramme bi-logarithmique on obtient la courbe suivante :


On distingue généralement trois domaines :

I – Pour de faibles valeurs de ΔK on observe une rapide décroissance de la vitesse de propagation jusqu’à une valeur seuil de ΔK correspondant à la limite où la progression de la fissure n’est plus mesurable ΔKseuil. Dans ce domaine la microstructure, le rapport de charge et l’environnement ont une influence sur la vitesse de progression. Pour des valeurs de ΔK inférieures à ΔKseuil les cracks sont considérés comme dormants.

II – Domaine de Paris - Pour des valeurs intermédiaires de ΔK la courbe présente une partie linéaire, correspondant à une évolution des vitesses de fissuration selon la loi expérimentale de Paris :

III – Lorsque ΔK augmente et que Kmax approche le paramètre de ténacité KC du matériau la vitesse de propagation s’accélère et entraîne une rupture rapide. En pratique, ce domaine n’a pas une grande importance puisque les structures sont généralement dimensionnées pour éviter de fonctionner dans ce domaine.

Différents auteurs ont proposés des variations sur la loi empiriques de Paris afin de rendre compte de l’effet de différents paramètres, en particulier le rapport de charge R (loi de Walker, loi de Forman). La loi NASGRO, développée conjointement par la NASA, le NLR et l’ESA, permet une description complètes des 3 domaines de la courbe da/dN. Elle nécessite cependant de nombreux et longs tests pour déterminer tous les paramètres intervenant dans la loi NASGRO.

Endommagement en pointe de fissure

Si on considère une fissuration en mode I, la théorie de l’élasticité nous donne le champ de contrainte aux environs de la pointe de la fissure qui se réduit, lorsque θ=0 (i.e. dans le plan de propagation de la fissure) à l’expression :

D’après cette relation la contrainte tend vers l’infini lorsque r tend vers 0. En réalité il y a un moment où la contrainte dépasse la limite élastique et on observe la formation d’une zone plastique, avec redistribution des contraintes locales. Des analyses microstructurales ou des simulations par éléments finis montrent que la zone plastifiée a une géométrie complexe, avec des branches rayonnant depuis la pointe de fissure.

Mécanisme de propagation

Les ruptures en fatigue présent généralement des stries sur la surface de fracture. Cependant ces stries ne sont pas présentes lorsque la rupture se passe sous vide. Plusieurs modèles ont été proposés pour expliquer la formation de ces stries, dont le modèle de Laird ou celui de Pelloux. Ces mécanisme concerne le domaine II (domaine de Paris).

Proche du seuil les mécanismes sont différents, à ce niveau on n’observe plus de stries ; la distance de propagation par cycle déduite des valeurs macroscopiques est alors de l’ordre des distances interatomiques. La propagation est alors discontinue et régie par d’autres mécanismes (transgranulaires, ou selon des plans cristallographiques simples).

Influence de l’environnement

Pour la plupart des métaux les essais en fatigue effectués en atmosphère inerte donnent des vitesses de propagation inférieures à celles obtenues dans un environnement actif, tel que l’air. L’humidité contenue dans l’atmosphère est considérée être à l’origine de ce phénomène. Les molécules d’eau absorbées sur la surface de rupture se dissocient, l’hydrogène pénètre dans le matériau et fragilise le métal.

Un milieu corrosif engendre différentes formes de perte de résistance à la fissuration, l’effet dépend de la température et du matériau testé.

Importance des caractéristiques métallurgiques

La taille des grains, la présence de précipités, leur tailles et répartition sont autant de facteurs qui influencent la propagation d’une fracture, essentiellement au niveau du seuil. En particulier une augmentation de la taille des grains entraine une augmentation du facteur ΔKseuil.

Fissures courtes

La vitesse de propagation des fissures courtes peut être nettement supérieure à celle observée sur des fissures longues pour le même ΔK, en particulier lorsque l’on approche la valeur seuil des fissures longues.

Une fissure est « courte » lorsqu’elle est de la taille de sa zone plastique ou de caractéristiques microstructurelles (grains, sous-grain, inclusions). Dans ce cas on sort du domaine d’application de la loi de similitude utilisée dans la loi de Paris, grâce à ce principe la propagation d’un fissure peut être décrite par un paramètre unique : l’amplitude du facteur d’intensité de contrainte ΔK.

Différents modèles proposent une relation entre la valeur de seuil pour le cas des fissures courtes et celle liée aux fissures longues. D’autres modèles tentent une description spécifique de la propagation des fissures courtes, ou l’effet d’un processus physique précis. Cependant aujourd’hui aucun modèle ne permet une estimation de la durée de vie en fatigue en rendant compte de tous les phénomènes physiques pouvant intervenir.

Lois de propagation théoriques

Le grand nombre de facteurs intrinsèques (module de Young, limite d’élasticité, paramètres matériau) et extrinsèques (rapport de charge, milieu environnant, température, géométrie,…) influençant la cinétique de propagation des fissures rend très difficile l’élaboration d’un modèle théorique décrivant le phénomène de manière rigoureuse.

Certains modèles se basent sur le cumul de dommages (Weertman, Rice) d’autres sur les propriétés cycliques (Tomkins, McClintock, Lanteigne et Baïlon) ou encore sur l’ouverture en fond de fissure.

 

 




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